[Profil historique #1] Vermont Yankee (États-Unis)

Un investissement public réalisé durant le boom nucléaire étasunien

Actuellement fermée, la centrale nucléaire de Vermont Yankee (Vermont) a fonctionné de 1972 à 2014. Sa construction a été rendue possible par l’investissement de services publics régionaux : le Central Vermont Public Service (fournisseur d’électricité du Vermont), Green Mountain Power (distributeur d’électricité du Vermont, filiale d’Énergir) et six autres institutions publiques de la Nouvelle-Angleterre. La mise en service de cette centrale intervient à l’apogée du boom nucléaire étasunien. À ce moment-là, le site dispose d’une licence d’exploitation pour 40 ans (expirant donc en 2012), qui sera par la suite prolongée.

Bien que construite et initialement opérée par des acteurs publics, la centrale de Vermont Yankee va être rachetée par un opérateur privé en 2002. Cette transition de propriété s’explique par des inquiétudes de la part des services publics concernant la complexité de gestion d’une centrale nucléaire, les incertitudes liées à la fermeture du site, mais aussi des préoccupations sur les coûts de démantèlement de la centrale. C’est Entergy Nuclear Vermont Yankee, une filiale d’Entergy Corporation, qui a remporté l’appel d’offres et racheté la centrale en 2002, pour une valeur de 180 millions de dollars.

 

Chronologie de la centrale nucléaire de Vermont Yankee

Le rachat par Entergy ravive des mouvements anti-nucléaires

Le lancement de l’appel d’offres pour le rachat de la centrale par un opérateur privé provoque une reprise des mouvements de contestation anti-nucléaire, bien enracinés dans le Vermont. En effet, des groupes de citoyens s’opposaient à la centrale depuis les années 1970, mais ils s’étaient affaiblis et recevaient peu d’attention au niveau national avant 2002. L’implication de la compagnie Entergy dans cet appel d’offres les amènent à revenir sur le devant de la scène. En 2002, sept villes ont adopté des résolutions contre Entergy. Et l’année suivante, un autre vote a été initié par Nuclear Free Vermont (un groupe d’activistes et d’habitants voisins de la centrale) et organisé par les villes du comté de Windham (angle Sud-Est du Vermont) sur la question de savoir si la centrale devait être autorisée à demander une prolongation de sa licence d’exploitation. Si les groupes anti-nucléaires ont mené une vaste campagne de sensibilisation, l’entreprise Entergy a également dépensé beaucoup d’argent pour mettre en avant les bénéfices économiques de la centrale. Finalement, les résultats se sont révélés mitigés. Un plus grand nombre de votes individuels ont été en faveur de l’octroi d’une nouvelle licence à la centrale, mais à l’échelle communale 10 des 15 villes voisines de la centrale ont voté contre l’octroi d’une nouvelle licence.

Quelques années plus tard, le 27 janvier 2006, Entergy formule toutefois une demande de prolongation de licence d’exploitation à la U.S. Nuclear Regulatory Commission (NRC), espérant ainsi prolonger ses activités jusqu’en 2032. Cette demande vient s’ajouter à celle d’augmenter la capacité de la centrale de 20 %, obtenue en 2005 et rendue effective en mai 2006 par Entergy. Ces démarches d’Entergy ont rencontré une vive opposition de la part des militants anti-nucléaires. Dans ce même mouvement d’inquiétude face au développement des activités d’Entergy, le gouvernement de l’État du Vermont a adopté, en mars 2006, la loi 160 qui permet au législateur du Vermont d’opposer son veto à un éventuel renouvellement de licence par la NRC. Ainsi, si la licence d’exploitation de Vermont Yankee était prolongée au-delà de 2012, l’obtention d’un nouveau certificat de bien public serait conditionné par l’approbation de l’assemblée législative du Vermont. À l’époque, Entergy avait publiquement salué cette exigence.

Malgré des incidents dans la centrale, une licence renouvelée

En février 2008, Entergy dépose une demande de prolongation de licence auprès du Vermont Public Service Board, l’agence d’État chargée de la réglementation des services d’électricité.
La période est toutefois marquée par un incident sur la centrale nucléaire : l’effondrement d’une cellule d’une tour de refroidissement, en août 2007, qui alimente des récits de centrale vieillissante et peu sûre du côté des opposants. Il s’en suit une série d’examens et inspections de la centrale, au cours de l’année 2008, de la part d’acteurs indépendants et de la NRC notamment.
En février 2010, le Sénat du Vermont vote finalement contre le renouvellement de la licence d’exploitation de Vermont Yankee. Pourtant, en mars 2011 la NRC approuve la prolongation de licence et en janvier 2012 Entergy gagne un procès permettant d’invalider le droit de veto de l’État sur la poursuite de ses activités. Des protestations ont lieu en mars 2012 sur cette question de la date d’expiration de la licence d’exploitation de la centrale.

 

Finalement, Entergy annonce en août 2013 la fermeture de la centrale de Vermont Yankee. Si certains estiment que cette fermeture est le fruit de la pression des militants, Entergy la justifie par des arguments économiques. Le 29 décembre 2014, la centrale est arrêtée et débute alors le processus de démantèlement. Au total, Vermont Yankee aura fonctionné durant 42 ans, période durant laquelle elle aura fournit 163,39 TWh (terawattheure) d’après le Power Reactor Information System de l’IAEA.

Rédactrice: Audrey Sérandour

Bibliographie

GRECO Angelica, YAMAMOTO Daisaku (2019), « Geographical Political Economy of Nuclear Power Plant Closures », Geoforum 106 (1 novembre 2019), pp. 234-43.

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WATTS Richard, HINES Paul, DOWDS Jonathan (2010), « The Debate over Re-Licensing the Vermont Yankee Nuclear Power Plant », The Electricity Journal, Vol. 23, Issue 4, pp. 59-67.

WATTS Richard, MADDISON Jonathan (2012), « The Role of Media Actors in Reframing the Media Discourse in the Decision to Reject Relicensing the Vermont Yankee Nuclear Power Plant », Journal of Environmental Studies and Sciences 2, nᵒ 2 (1 juin 2012), pp. 131-42.

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