[Profil historique #2] Seabrook (États-Unis)

Seabrook, une centrale en exploitation sur la côte atlantique

La centrale nucléaire de Seabrook (New Hampshire) a été mise en service en 1990 et se trouve toujours en production à l’heure actuelle. Elle est constituée d’un réacteur à eau pressurisée, qui puise son eau de refroidissement dans l’océan Atlantique. Sa construction a été pensée par le Public Service Company of New Hampshire (PSNH), la plus importante compagnie d’électricité de l’État. À l’origine, la centrale appartenait ainsi à une dizaine de sociétés de services publics de la Nouvelle-Angleterre. Au début des années 2000, dans le mouvement de libéralisation et de déréglementation que connaissent les États-Unis et qui touche également le marché de l’électricité, la centrale de Seabrook a connu une trajectoire similaire à celle de Vermont Yankee en termes de propriété et de rachats. En effet, en 2002, la plupart des sociétés de services publics propriétaires de la centrale nucléaire de Seabrook vendent leurs parts à FPL Energy (filiale du groupe FPL), qui deviendra plus tard NextEra Energy Resources. Cette entreprise privée détient désormais la majorité des parts de la centrale, le reste appartenant aux services publics municipaux du Massachusetts.

 

Protestations anti-nucléaires : de la voie réglementaire aux actions directes

La construction de la centrale nucléaire de Seabrook débute en août 1976. À cette période, l’activisme anti-nucléaire étasunien connaît un regain, avec notamment l’émergence de nouvelles formes de protestations. Durant les années 1960-1970, l’opposition aux centrales nucléaires était surtout le fait d’organisations environnementales établies et de groupes de citoyens locaux, qui utilisaient les voies réglementaires pour protester. Mais à partir du milieu des années 1970, l’insatisfaction face à ces interventions juridiques conduit les activistes à réfléchir à d’autres formes de protestation. Ils recourent ainsi à des référendums, mais les résultats sont mitigés et ils demeurent insatisfaits. Finalement, à la suite du renversement d’une tour d’observation météorologique d’une centrale nucléaire dans le Massachusetts en 1974 et d’une occupation d’un projet de centrale nucléaire en Allemagne en 1975, les activistes du Nord-Est des États-Unis décident d’adopter l’action directe et de mener des actions de désobéissance civile.
Peu après la délivrance du permis de construction de la centrale de Seabrook, des opposants au nucléaire du New Hampshire et d’autres régions de la Nouvelle-Angleterre se rencontrent en juillet 1976 pour décider des actions qu’ils mèneront. Durant les 8 années précédentes, des habitants de Seabrook s’étaient opposés à la centrale par les voies réglementaires, sans succès. Inspirés par l’expérience d’occupation à Whyl, en Allemagne, les participants à la réunion de juillet 1976 décident de former la Clamshell Alliance. Rapidement, ils organisent des occupations du site de la centrale, où les travaux débutent.

Les occupations d’activistes perturbent la construction de la centrale

Ainsi, une première occupation a lieu le 1er août 1976. 600 personnes se rassemblent sur le site de la centrale de Seabrook et 18 seront arrêtées pour intrusion. Une deuxième occupation a lieu le 22 août 1976, qui mènera à l’arrestation de 180 personnes. L’année suivante, une troisième tentative d’occupation est organisée, entre le 30 avril et le 1er mai 1977. Cette fois-ci, l’acte de protestation réunit encore davantage de militants et 1 414 participants venus de Nouvelle-Angleterre et au-delà seront arrêtés et détenus durant 13 jours. Leur acte de désobéissance civile a été largement couvert par la presse étasunienne et Seabrook est devenu un symbole national de l’opposition aux centrales nucléaires, provoquant la formation de groupes antinucléaires similaires dans d’autres États.
Une autre occupation illégale du site de la centrale de Seabrook était planifiée par la Clamshell Alliance pour juin 1978. Début juin, environ 5 000 militants avaient déjà reçus une formation à la non-violence. À ce moment-là, l’État du New Hampshire a décidé d’ouvrir une partie du site de Seabrook pour un rassemblement légal de 3 jours, cherchant ainsi à éviter les arrestations massives. Après de vifs débats, le Comité de coordination de l’Alliance a accepté la proposition et plus de 20 000 personnes ont participé au rassemblement. Mais cet événement et l’insatisfaction sur la manière dont l’accord avec l’État du New Hampshire avait été conclut ont provoqué des dissensions internes au sein de la Clamshell Alliance. Malgré des tentatives de compromis et après plusieurs réunions pour tenter de trouver une solution aux désaccords internes, la participation des membres de l’Alliance a décliné et celle-ci a finalement été dissoute à la fin de l’année 1981.

Une construction finalement achevée, mais incomplète

La construction de la centrale nucléaire de Seabrook s’est donc poursuivie. Pour autant, elle ne s’est pas complètement déroulée comme prévue. Initialement, la centrale devait être composée de deux réacteurs. Mais en 1983, plusieurs propriétaires de la centrale avaient tenté de se retirer du projet de deuxième réacteur. Finalement, en 1984, les propriétaires ont annulé la construction du deuxième réacteur, en raison de problèmes financiers et réglementaires. Seul le premier réacteur a donc été achevé.
Malgré ces débuts compliqués, la centrale nucléaire de Seabrook a été mise en service le 19 août 1990. Une trentaine d’années plus tard, en mars 2019, elle a obtenu une nouvelle licence d’exploitation, lui permettant d’opérer jusqu’en mars 2050.

Rédactrice : Audrey Sérandour

Bibliographie

BARKAN Steven E. (1979), « Strategic, Tactical and Organizational Dilemmas of the Protest Movement Against Nuclear Power », Social Problems, Vol. 27, n° 1, pp. 19-37.

DOWNEY Gary L. (1986), « Ideology and the Clamshell Identity: Organizational Dilemmas in the Anti-Nuclear Power Movement », Social Problems, Vol. 33, n° 5, pp. 357-73.

KATZ, Nell H., LIST David C. (1981), « Seabrook: A Profile of Anti-Nuclear Activists, June 1978 », Peace & Change, Vol. 7, n° 3, pp. 59-69.

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