[Profil historique #4] Heysham (Angleterre)

Heysham, deux centrales nucléaires sur un même site

Deux centrales nucléaires ont été construites à Heysham, sur la côte Nord-Ouest de l’Angleterre, au cours des années 1970-1980. Nommées Heysham 1 et Heysham 2, elles occupent un seul et même site. Ce dernier s’étend sur environ 45 hectares et il est entouré de diverses installations : le port de ferry de Heysham (limite Nord du site), un terrain de golf (limite Est) et un village de vacances (limite Sud).
La construction de l’usine Heysham 1 a débuté en 1970 et a permis la mise en service d’un premier réacteur en 1983 et d’un deuxième en 1984. L’exploitation commerciale n’a été déclarée qu’en avril 1989, car les niveaux de production des premières années étaient faibles. La construction de l’usine Heysham 2 a débuté plus tardivement, en 1979. Les deux réacteurs de cette usine ont été mis en service en 1988 et leur exploitation commerciale a ainsi été déclarée la même année que pour la première usine.
Heysham est le seul site au Royaume-Uni à posséder deux centrales nucléaires en activité. Chacune de ces centrales comporte deux réacteurs. Leur exploitation commerciale débute en 1989 et elles sont toujours en service à ce jour, bien que leurs fermetures soient d’ores et déjà planifiées, pour 2024 et 2030.

Des réacteurs de deuxième génération

Les centrales de Heysham s’inscrivent dans le deuxième programme d’énergie nucléaire du Royaume-Uni, annoncé en 1964 et initié au début des années 1970. Ce programme repose sur une nouvelle technologie : le réacteur avancé refroidi au gaz (AGR), qui vient remplacer les réacteurs Magnox. Aujourd’hui, 14 réacteurs de ce type (répartis en sept centrales) sont en fonctionnement au Royaume-Uni. En termes techniques, les réacteurs AGR ressemblent beaucoup aux Magnox, mais il existe quelques différences économiques et techniques fondamentales qui ont notamment eu des répercussions sur les choix de lieux d’implantation des centrales. Les réacteurs AGR ont par exemple de très bonnes caractéristiques en termes de sécurité, ce qui permettrait d’envisager de les installer proche de foyers de population, et donc de centres de consommation d’électricité.
De fait, les centrales de Heysham sont implantées dans un espace semi-urbain, à proximité immédiate de la petite ville de Heysham (environ 17 000 habitants), à moins de 6 kilomètres à vol d’oiseau de Morecambe (environ 43 000 habitants) et à moins de 8 km de Lancaster (environ 52 000 habitants). Le site présente plusieurs avantages, parmi lesquels on peut citer la facilité de raccordement au réseau électrique national, mais aussi la proximité du port. Ce dernier a en effet été utile à l’acheminement des plus grands éléments composant les réacteurs (deux déflecteurs de gaz et deux structures de toit de la cuve sous pression, pesant chacun environ 1 000 tonnes), qui ont été préfabriqués puis acheminés jusqu’au site grâce à des barges de mer. Les composants électriques lourds (alternateurs, stators et transformateurs) ont aussi été acheminés par voie maritime, par un navire roulier spécialement affrété.

Privatisation du secteur nucléaire britannique, puis rachat par EDF

Dans les années 1990, les centrales de Heysham sont concernées par la politique de privatisation du secteur du nucléaire, qui se met en place uniquement pour les réacteurs de deuxième génération. En effet, ces derniers avaient une valeur commerciale suffisante pour cela, tandis que les réacteurs Magnox étaient vieillissant et que leurs coûts de démantèlement s’annonçaient élevés, ce qui a convaincu le gouvernement de les maintenir dans le secteur public.

Jusque dans les années 1970, il existe en Grande-Bretagne, comme dans d’autres pays, un consensus sur l’importance du secteur public et la nécessité de nationaliser les industries, en particulier dans le secteur de l’énergie. Mais à partir des années 1980, les conservateurs – menés par M. Thatcher – mettent en place un vaste programme de privatisation d’industries et de services publics, tels que le gaz, l’acier, les télécommunications, l’eau. La majeure partie de l’industrie de l’électricité est privatisée sur la période 1990-1991, mais à ce moment-là les centrales nucléaires restent dans le secteur public.
C’est le Premier ministre John Major (1990-1997) qui pousse la politique de privatisation au-delà de ce qui avait été établit par sa prédécesseure Margaret Thatcher et privatise les centrales nucléaires. Ainsi, en 1995 est créée une entreprise privée de production d’électricité, British Energy, pour assumer l’exploitation des huit centrales les plus modernes de Grande-Bretagne. L’objectif est de maximiser les recettes à court terme, mais aussi d’alléger les responsabilités nucléaires du gouvernement. Si British Energy paraît rentable les premières années, elle va rapidement être impactée par la baisse importante des prix de l’électricité et des problèmes de fonctionnement des centrales. Au début des années 2000, ses bénéfices et rentrées nettes de fond chutent de manière importante.
Face à ces difficultés, l’entreprise est contrainte de demander de l’aide à l’État en 2002. Malgré une idéologie néolibérale dominante chez les travaillistes, qui se traduit en principe par un non-interventionnisme auprès des entreprises privées, le gouvernement Blair choisit d’agir en mettant en place d’importantes subventions publiques pour maintenir British Energy. Un plan de sauvetage (coût net estimé à 2,8 milliards de livres sterling en 2004) est mis en œuvre. Cependant, la remise sur pieds de British Energy a nécessité une restructuration complexe de son capital et le transfert d’obligations au secteur public, ce qui est vivement critiqué par le Committee of Public Accounts dans deux rapports (en 2004 et 2007). En réponse à ces critiques, le gouvernement cherche une autre solution, basée sur le marché, et décide de vendre British Energy. C’est ainsi qu’en 2008, le gouvernement britannique favorise le rachat stratégique de British Energy par l’entreprise française EDF Energy.

Aujourd’hui, le Royaume-Uni compte une quinzaine de réacteurs nucléaires, qui assure un peu plus de 20 % de la production d’électricité du pays. Tous les réacteurs en exploitation sont des réacteurs AGR, exploités par EDF Energy.

Rédactrice : Audrey Sérandour

Chronologie de la centrale nucléaire d'Heysham

BAILONI Mark (2015), « Les évolutions du modèle énergétique britannique face aux enjeux géopolitiques internes », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, Vol. 14, n° 3. URL : https://doi.org/10.4000/vertigo.15550

ELSTON Jack (1992), « Heysham 2 Project Case History », International Journal of Project Management, Vol. 10, n° 3, pp. 179 84.

JUPE Robert (2012), « The Privatization of British Energy: Risk Transfer and the State », Accounting, Organizations and Society, Vol. 37, n° 2, pp. 116 29.

MOUNFIELD, P. R. (1967), « Nuclear power in the United Kingdom: a new phase », Geography, Vol. 52, n° 3, pp. 310 16.

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