[Analyse 1] Produire les frontières du zonage risque autour des centrales nucléaires anglaises

Dans le cadre de la tâche 1 du programme NucTerritory, nous avons fait le choix d’étudier un objet géo-légal spécifique : les zonages de planification d’urgence qui entourent les centrales nucléaires.

Qu’est-ce qu’une DEPZ ? À quoi cela sert-il ?

Au Royaume-Uni, ces zones s’appellent Detailed emergency planning zones (DEPZ), ce qui signifie « zones de planification d’urgence détaillées ». Une DEPZ est une zone au sein de laquelle sont prédéfinies et planifiées toutes les dispositions et actions de protection à mettre en œuvre pour protéger le public en cas d’accident nucléaire. L’objectif est d’atténuer les conséquences les plus probables d’une urgence radiologique, en mettant en place des mesures pour protéger rapidement les personnes susceptibles d’être affectées. Concrètement, cela signifie que les services d’intervention d’urgence ont été préparés à l’application d’un plan de protection et d’évacuation des populations au sein de la DEPZ. Cela signifie aussi que les personnes vivant ou travaillant dans une DEPZ doivent avoir reçu en amont des informations sur le plan d’évacuation d’urgence et avoir à disposition des comprimés d’iode. De plus, leurs coordonnées téléphoniques doivent avoir été recueillies, pour être en mesure de leur transmettre les messages d’alerte et les consignes en cas d’accident. Enfin, au sein d’une DEPZ, les aménagements du territoire sont limités, afin d’éviter toute augmentation significative de la population résidente aux abords des centrales nucléaires. La construction d’établissements recevant des personnes vulnérables ou d’entreprises employant un grand nombre de personnes est également limitée. Toutefois, ces mesures ne sont pas nécessairement homogènes dans toute la DEPZ, elles peuvent être adaptées selon les lieux et les infrastructures.

Comment et par qui les contours d’une DEPZ sont-ils tracés ?

La détermination et la régulation des DEPZs sont encadrées par le Règlement sur les radiations appelé REPPIR (the Radiation (Emergency Preparedness and Public Information) Regulations). Or, en 2019, une version actualisée du REPPIR est entrée en vigueur. Auparavant, la taille et la forme d’une DEPZ étaient déterminées par l’Office for Nuclear Regulation (ONR), c’est-à-dire l’organisme de réglementation nucléaire du Royaume-Uni, en discussion avec les opérateurs de centrales. Mais depuis l’entrée en vigueur du REPPIR-2019, ce sont désormais les autorités locales qui ont la responsabilité de déterminer le tracé de la DEPZ, sur la base d’un cercle de distance minimale établit par l’exploitant de la centrale et de discussions avec d’autres acteurs locaux tels que les services d’urgence et les organismes de santé.

Concrètement, lorsqu’une DEPZ doit être créée ou ré-évaluée, les autorités locales reçoivent d’abord un rapport préparé par l’opérateur de la centrale. Ce rapport présente la justification technique de la distance minimale à respecter pour le rayon de la DEPZ, en présentant le travail d’évaluation des risques de dispersion de radioactivité en cas d’accident raisonnablement prévisible. Ce rapport contient une première proposition de tracé, sous la forme d’un cercle, à partir duquel les autorités locales doivent déterminer les contours de la DEPZ. Les autorités locales ne peuvent pas tracer une zone plus petite que le cercle proposé par l’opérateur ; en revanche, elles sont invitées à l’agrandir de façon à prendre en compte les éléments géographiques et démographiques du territoire. Dans la pratique, cela signifie éviter que la limite de la DEPZ ne divise un village en deux, inclure les groupes vulnérables voisins de la zone proposée par l’opérateur de la centrale, ou encore s’appuyer le plus possible sur les éléments du paysage pour s’assurer que les limites de la DEPZ soient faciles à appréhender par les populations et les services d’intervention d’urgence.

Selon les sites nucléaires, des DEPZ aux silhouettes diverses

Finalement, les silhouettes des DEPZ varient donc d’un site à l’autre. L’application du droit – en l’occurrence l’application du REPPIR – passe par un travail d’interprétation de la part des autorités locales et par une prise en compte des spécificités du territoire concerné. Dans ce cadre, nous cherchons à comprendre comment sont produites les DEPZs et quelles sont leurs conséquences spatiales. L’application du droit est-elle visible dans l’espace, que ce soit matériellement (marquage, panneaux), socialement (contestation du zonage) ou administrativement (restrictions en termes d’aménagement) ? Et à l’inverse, quelle est l’influence de l’espace sur l’application du droit ? Les caractéristiques d’un territoire (rural, urbain, industriel…) impliquent-elles d’importantes variations dans le tracé d’une DEPZ ?

Décembre 2021.

Rédactrice : Audrey Sérandour

Cartes: Teva Meyer

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